Yo !


"On ne s'entraîne pas pour Paris Brest Paris, on s'y prépare..." Zapilon : un vétéran de PBP (6 participations)


Préparer Paris Brest Paris, c'est, pour moi, préserver au maximum mon état de fraîcheur physique et psychologique tout en conditionnant mon corps à affronter 4 jours d'efforts sur 1250 kms. C'est donc réserver, pour la plus grande partie, mes sorties de vélo de route à l'essentiel : les longues distances et l'aventure. Et traiter l'ordinaire de la préparation physique par des activités que l'on a souvent qualifiées, dans la chapelle cycliste, de "non-compatible"... Bref, vous aurez compris, que fidèle à moi-même, "je cultive ma différence"...


Retrouvez moi sur mon profil Facebook dédié à cette aventure à l'adresse suivante : NericDeric Parisbrestparis

Paris Brest Paris 2011 : ça y est, c'est fait !

I'm FINISHER PBP 2011 !



Et voilà, le Zèbre est remisé dans son coin de garage, pendu par le cadre à son crochet dédié. J’en ai fini de cette aventure, longue de deux ans et qui s’est conclue le 25 Août 2011, comme on referme la dernière page d’un livre. On le tient, la main couchée dessus, avec l’esprit parti vers un ailleurs vagabond, cerné par la nostalgie du ferment de la mise en abîme, haletante, et par la curiosité de la nouveauté du prochain ouvrage. Me voilà, sur le stade du gymnase des droits de l’homme de St Quentin en Yvelines, ne sachant si je dois rire ou pleurer, automate dans mes mouvements pour satisfaire aux dernières démarches administratives, automate dans mes pensées, rempli de ce que je viens d’accomplir, son prix, son exaltation et conscient qu’il va falloir assez vite garnir cette case vide. En attendant :


« J'ai longtemps rêvé cette arrivée...je crois même avoir un peu trop idéalisé ce moment... J'ai attendu avec impatience de deviner enfin ta silhouette... J'en avais mal au ventre, autant je crois qu'à l'attente des résultats du Bac ou de mes examens à la fac... Je me suis surprise même à trembler... Là où j'étais placée, chaque randonneur déboulait d'un petit virage derrière une petite haie... Je regardais ma montre sans cesse, mais tu n’arrivais toujours pas… J'espérais saisir et immortaliser dans ma mémoire ton premier sourire... J'attendais un cri de joie, une étreinte passionnée… Comme à la télé… Je n’avais pas imaginé un instant que cette aventure allait s'achever aussi modestement et avec cette apparente indifférence… J’étais quelque peu désemparée… Déçue, oui, frustrée je crois… Tant de kms à parcourir, une préparation qui avaient conditionné ta vie (mais aussi un peu la nôtre) pendant 2 années... Je ne comprenais pas... Tout était déjà fini... »


Tout était déjà fini… Ce sont les mots de ma femme. Qui traduisent nos sentiments mêlés, cette dernière page difficile à tourner, celle de cette grande aventure, ma plus grande aventure sportive, si prégnante, qu’elle s’est refermée au ralenti dans les semaines qui suivirent. Un blues…
Paris Brest Paris est un tout, qui va au-delà de cet aller-retour, épisode final écrasant, partie émergée de l’iceberg. Bien décevante subjectivement, dans beaucoup de compartiments et subjuguante par d’autres côtés…

L’important, c’était Brest, un graal, une chanson de geste. J’étais tendu vers Brest, et son inconnu.
Brest qui se défendit comme une forteresse, projetant un brouillard épais pendant l’approche de nuit au-travers des monts d’Arrée, offrant un matin piteux envahi par la bruine et la brume à ses pieds. Brest qui reste un mystère, ne donnant à voir que des immeubles gris et un flot de circulation encombrant. Quel était donc ce point à atteindre, cette limite obsédante pour le corps et l’esprit ?
Point cardinal, une ruée vers l’Ouest, j’y allais en pionnier, espérant mettre la main sur un filon tout en sachant que le chemin allait être parsemé d’embûches.

Il est clair que je fus pris par la légende, j’avais envie d’être sur cette route, sur ces traces, sûrement de m’y confronter, l’été venu… Ce qui m’intéressait, c’était d’aller y faire un constat : oui, je suis capable, à ma manière, de dompter ce ruban fauve. A ma manière, sans séquelles et dans la gestion des aléas et des bas : il fallait m’en sortir, pouvoir me tenir droit, en conformité avec mes prévisions.
 Cela m’exaltait de vérifier cette conformité avec la réalité. N’en être pas si sûr ajoutait du sel à l’épique : Paris Brest Paris est raconté comme une épopée. Surfer la vague et en dégringoler comme ce fût le cas en 2007 n’est pas chose si facile à assumer : un petit regard de biais te jaugeant et te laissant le goût de l’aigre-doux, les arguments tombant à plat face à la montagne, que l’on n’a pu gravir. Soit tu réussis à revenir à ce rond-point du gymnase des Droits de l’Homme, soit tu te tais… Point barre.

Dimanche 21 août, le soleil nous enveloppe d’une chape de plomb, un bon 30° à l’ombre, un été qui s’emballe après nous avoir dévoilé que ses plus tristes atours. C’est un piège, je ne me fais pas prendre, trop évident. Je pars à l’assaut de l’attente la tête trempée, la casquette trempée, le casque trempé, ainsi que la nuque et le haut du corps humidifié. Je sais comment lutter contre la chaleur : tout refroidir, remède simple et efficace. Et reculer le plus longtemps possible la mise au soleil. Il y a foule, je me tiens dans l’ombre étroite d’un conifère et j’observe… Comment se forme l’attroupement devant le point de ralliement pour pouvoir emprunter le chemin qui passe sous le tunnel et aller s’entasser sur le stade. J’ai pour ambition de partir dans la 1ère vague des moins de 90 heures alors je regarde comment s’organise ce conglomérat de vélos et d’êtres et j’essaie de deviner comment me faufiler adroitement, et gruger sans provoquer le courroux des autres embarqués. Les moins de 80h s’installe sur la ligne de départ, Daniel, Julien et Rodolphe doivent s’y tenir. Lorsqu’ils sont libérés, une grosse bronca s’élève, ça prend aux tripes, met les larmes aux yeux, nous les va-nu pieds, on applaudit à tout rompre l’élite de Paris Brest Paris, sans doute aussi parce que l’on évacue une part de notre stress ainsi, à fêter un départ qui appelle le nôtre, marquant la fin de deux années de préparation et de planification, une sorte de bouchon qui saute, une libération…
Je suis sur le stade, côté gauche, sûr de mon option. En 2007, je suis resté bloqué à droite pendant un bon moment. J’ai réussi à optimiser mon opération « attente à l’ombre la plus longue possible/accéder dans les premiers sur le tartan du gymnase ». J’ai un peu rusé, j’ai pédalé au lieu de marcher, je me suis fait un peu houspiller, j’ai fait semblant de ne pas entendre ou je me suis excusé, j’ai couru poussant la bicyclette et me v’là contre les barrières. J’aperçois mon petit monde à une cinquantaine de mètres, qui attend ma sortie. Je me mets à manger mon gâteau-sport, qui ne coule pas aussi bien que voulu… Faut dire que ça nous tape sur le carafon, j’ai largué mon casque, mis la casquette à l’envers à l’ancienne, histoire d’éviter le coup de soleil fatal. A tout casser je suis à 60 mètres du sésame mais je commence à avoir une mauvaise impression : je ne bouge pas d’un iota alors que les mecs passent par grappes entières, de l’autre côté. Merde, j’ai encore choisi la mauvaise caisse, celle où il manque le prix sur l’objet. Du coup, la pression monte dans notre file, je m’engueule avec un vieux coucou qui veut me piquer ma place, en m’accusant du contraire. Le ton monte naturellement, il finit par m’insulter car j’ai le don d’énerver assez facilement les gens en leur tenant tête, hors de question de ne pas avoir le dernier mot. Je refuse que l’on me pousse du coude pour m’empêcher de passer, c’est tout… Et là, je ne grugeais plus, je défendais ma place. Au bout de vingt minutes, des gars s’aperçoivent que notre côté ne s’écoule que sur deux files alors que l’autre a envahit les six dernières. Des commissaires rectifient le tir, nous dé-bouchonnons mais trop tard, trop tard pour partir avec la première vague, fâcheux contretemps car cela met en l’air mon cher road-book, calculé à partir de 18h. Tant pis, une première couleuvre à avaler, je passe le sas qui valide ma présence, c’en est fini de l’incertitude, à partir de ce moment, je reprends les commandes et suis maître de mon destin car je rentre en territoire connu : celui de mon expérience ratée de 2007 et ma préparation de deux ans !
*
Je me souvenais d’un problème d’il y a quatre ans : trouver une place où se garer sur St Quentin, en pleine ville pour pouvoir se préparer sereinement, manger tranquillement avant de prendre le départ. Eviter un stress inutile… Je décide donc de repérer un coin le samedi 20 Août, jour de présentation du vélo aux commissaires et du retrait des plaques de cadre et de voiture suiveuse. On annonce une bonne fournaise, du 30° à l’ombre, il faut donc de l’arbre. Je me connecte sur Google earth, retrouve le fameux rond-point des sangliers et voit de la verdure pas très loin, à peine 500 mètres, une sorte de petit bois… J’archive le nom de la rue dans le GPS et me v’là parti, direction la capitale avec le Zèbre dans la fabienne, où je retrouve sans mal, grâce à ma petite prépa, le petit havre de paix que je voulais, il y a même des places de parking. C’est hallucinant cette tranquillité à quelques encablures de la fureur de St Quentin, où je me meus sans mal, je me souviens où tout se tient, je vais vite pour les formalités administratives et repart aussi sec…
*
Autre grosse difficulté de Paris Brest Paris, la gestion de l’intendance lorsque l’on a choisi d’effectuer la randonnée avec assistance. De 2007, je me souviens encore de la C5 du Pé remplie à ras-bord, plus un centimètre carré de libre, il fallait tout descendre pour trouver une paire de chaussettes, tout remettre, bref une perte de temps insensée. Sans compter les arrêts obligatoires dans les dortoirs pour pouvoir dormir qui sont un gouffre de minutes évaporées. Le 1000 de l’an passé avait mis en relief une meilleure organisation, avec une banquette arrière libérée pour pouvoir manger et se changer, un autre véhicule, le « Picassio » aux formes plus arrondies, plus conformes et des arrêts douche-sommeil dans des hôtels disséminés sur le parcours. Pour le Paris-Brest, je n’osais rêver d’un carrosse : manger à l’abri, à son aise, se doucher, se changer, une petite maison sur roues, un havre qui me mette hors de portée des éléments aux moments que j’aurai soigneusement définis et préalablement choisis. Ces rémissions connues allaient donc m’aider à surmonter les naufrages, j’en étais persuadé : savoir que l’on va pouvoir se changer au sec permet d’affronter avec un meilleur moral le grain qui vous trempe. Rien n’est pire que d’additionner les galères, et laisser le vent mauvais s’insinuer dans votre esprit : Paris-Brest vous présente la douloureuse et le vélo est posé contre un mur, le corps rincé par une épreuve qui n’a plus de sens. Je savais que c’était une affaire entre moi et moi et, que dans ce contexte, rien ne devait être dur. Sur ces routes, il me fallait un cocon, un élément de sécurité sur lequel je pouvais compter. Et je l’eus, grâce à la générosité de mes parents : un camping-car me précède et contient tout ce que j’ai besoin, dans son antre…

Me voilà sur la ligne de départ, j’en connais son cirque, celui qui m’avait fait battre le cœur la dernière fois. J’étais en première ligne, prêt à mettre les gaz… Ce coup-ci, je me tiens loin de la boite à sardines, je discute avec mon petit monde, qui me donne ses derniers encouragements sous la forme de banderoles qui me font monter une émotion dans la gorge. Malgré tout, je suis serein, j’ai une œuvre à accomplir, une aventure à vivre mais ce coup-ci, j’en ai étudié les tenants et les aboutissants. Le feu vert s’est allumé, la route nous est ouverte presque dans le silence, sans aucune ovation. Je n’aime pas cette différence de traitement entre les Grands et nous, la piétaille des plus de 90h, les sans-grades… J’ai du franchir la ligne le dernier de la vague de 18h30. Hors de question cette fois-ci de foncer tête baissée et de me laisser griser par la vitesse. Je fais gaffe à la chute, repérant les maladroits, je remonte la file en souplesse, me faufilant en retrouvant mes réflexes d’ancien coureur, profitant au maximum de l’aspiration, l’œil sur mon cardiofréquencemètre limité à 130 pulsations. Je filoche comme un chat, rasant les bras et les sacoches. Mes collègues n’ont pas l’air d’apprécier ce jeu, je dois leur filer la trouille alors ça braille parfois. Oh, les gars, peut être aurait-il fallu retourner à l’école de cyclisme ou peut être commencer par cela…

J’ai appris, tout au long de ces années de compétition dans le peloton, entenaillé, devant faire confiance à ceux qui me précédaient comme devant donner confiance à ceux qui me suivaient : on s’appuyait les uns sur les autres (parfois au sens littéral), cela avait du sens… Ici, l’inverse prédomine, ceux que je vais bientôt définir par l’expression « les Jaunes » n’ont qu’un précepte : celui de l’individualisme forcené, voire de l’égotisme. J’en avais pressenti certains aspects durant les brevets qualificatifs et sur le 1 000 kilomètres de l’an passé. Maintenant, cela se confirme et je n’aime pas. L’esprit de corps du monde cyclotouriste que l’on m’avait décrit, ce que j’avais pu en lire, tout ça c’est du vent : le cyclo vit en groupe mais que dans son groupe, il n’accueille pas ou d’un mauvais œil, des fois que l’on profiterait d’une part du gâteau (c'est-à-dire de l’abri), il a ses signes de propre reconnaissance, notamment ce bel uniforme jaune fluo. Comme je le dégage dès que je peux, je ne leur ressemble plus… D’autant que je mets un point d’honneur à être paré de mes plus belles tenues, qui me donnent beaucoup plus l’air d’un coursier que d’un randonneur. D’autant que je chevauche un bestiau de carbone aux lignes racées qui est loin des canons de leurs randonneuses. Bref, eux sont souvent attifés comme l’as de pique, rien n’étant coordonné, leurs clous sont souvent moches, j’ose le dire… Jamais je ne monterai sur mon vélo en me trouvant laid et en le trouvant laid. Je cherche l’harmonie… J’étais venu vers ce monde cyclotouriste avec les meilleures intentions, l’on m’a éjecté comme un mal-propre parce que j’étais différent. Bel esprit, Messieurs…

Fin de la première partie
 

Rencards Mensuels 2011

Et c'est reparti pour une année de rendez-vous avec moi-même pour valider ma préparation à PBP 2011. A chaque mois son histoire priviligiée, tendue vers cette quête : aller vers la mer et en revenir.








*****************************************


Juin : BRM 600 Montigny le Bretonneux (4ème qualif' PBP 2011)
"Et de quatre..." : C'est vers 5 heures du matin qu'à chaque fois la petite musique prend un tour chagrin : 2007, 550 kms ont été parcourus depuis la veille, je tombe de sommeil et finis mon 600 en vrac et en travers, 2010 " je suis en détresse sur le bord de la route, coincé au milieu d'une côte, vidé et sans forces...", 2011 assis sous un abri-bus, je renverse la tête et m'endors. Trois BRM 600, trois fois les mêmes symptômes de carence physique, les mêmes "crises " d'énergie, il ne peut s'agir de coïncidence et je peux aujourd'hui en tirer un bilan : sur le 600, un facteur vient contrarier ma fuite en avant : l'accumulation de deux nuits sans sommeil ou presque qui a pour conséquence une addition lourde à payer, une énorme panne de jambes. Impossible de pédaler normalement dans cette impression de n'avoir aucune bonde pour bloquer le siphon, tout part à vau-l'eau, comme une vieille baudruche perdant son air caoutchouteux. Et je ne peux que subir, n'y pouvant rien, n'ayant aucune solution à mon attirail. Pire, en m'évertuant à continuer dans ces conditions, je me heurte à un mur, un vrai : je me trouve bloqué, mais littéralement, dans une côte, insignifiante en temps normal. C'est dans mon for, de l'estomac, que part une sensation dénudée et asséchée, une aigreur, une faiblesse, un sentiment de rien, je m'arrête... Je me souviens, lorsque je fus poussé à cette extrémité l'an passé, sous un ciel plombé, perdu du côté de la montagne de Reims, avoir chialé comme un môme, ne comprenant rien à cette crise qui fout la trouille par son côté tranchant qui semble irrémédiable : tout pousse à croire que la route va s'arrêter là, que cet état délabré est définitif. Eh bien, il s'avère que j'ai la chance de pouvoir récupérer de ce genre d'effondrement, l'expérience du 600 de rouen me l'a appris, je peux sortir de cette nasse et à cela une seule thérapie : dormir ! Ne pas paniquer mon garçon, juste t'assoupir, là, debout, le vélo entre les pattes, le front sur les bras reposant sur le guidon, ou assis sur la berne en face d'un champ de blé, la tête dans les genoux, ou affalé dans un abri-bus, oh juste deux minutes, qui me donnent , d'après mes savants calculs, 20 minutes de paix. Surtout ne pas hésiter à laisser filer ces précieuses minutes, que je rattrappe illico-presto sur la route : car, reparti, tout re-carbure à nouveau, les jambes tombent, retour à la normalité. Sans la pause, je me traîne, 20 km/h est un summum difficile à atteindre, je baille, bouche ouverte, je roue-libre sans arrêt, je perds du coup un temps fou à louvoyer, cahin-caha.

Pervenchères, matin de la deuxième journée, je me présente avec 55 minutes de retard sur le road-book, paumées en 87 bornes, à grelotter, à roupiller, à gérer pour continuer d'avancer. Dormir, je n'ai que ça à l'esprit, croûter et dormir : la demi-heure prévue n'y suffira pas, c'est sûr (25 mn en sus...). Pour la première fois de l'année, je ne domine pas le temps, je suis obligé de laisser filer la corde tout sachant qu'il faudra ralentir ce mouvement, en douceur, pour ne pas se prendre le couperet des horaires de fermeture sur la tronche... Bilan à 9h10, sur 460 kilomètres, j'ai déboursé 1h55 sur mon pécule-temps...

J'ai senti dès le début que ce 600 ne serait pas une mince affaire... Un petit air de Paris Brest Paris sur Montigny le Bretonneux, voisin proche du départ de St Quentin en Yvelines, les dirigeants sont stricts dans les opérations de départ : réception du petit dossier de route, contrôle de l'éclairage et départ dans un sas, à 4h30 pile-poil pour moi... J'ai décidé de filocher les roues jusqu'au km 50, histoire de continuer à chantonner la même petite chanson. Bordel, le compteur ne marche pas, resté branché sur un de mes VTT... Le temps de rectifier le tir et d'accorder mes violons, des avions passent... Bof, trop vite pour moi, je repars et me love derrière des abris plus cotonneux. Un arrêt primordial plus tard, le groupe de Daniel me prend dans sa vague que je surfe allègrement. Julien essaie bien de me convaincre de continuer ainsi mais km 50, je m'offre mon arrêt-plage avec le quart d'heure syndical d'avance... Dès lors une joute au petit goût de feraille s'engage avec un vent de face insidieux et des faux-plats irritants avec leurs petits-airs insignifiants. L'air du pays me rassérène, d'autant que Jérôme, vice-président de mon club, vient m'accompagner un bout de chemin, au moment même où je rejoins un groupe, dont je filoche grassement les roues. Plus la présence sur les bernes du bureau entier du Cyclo Club Vézonnais, ces deux éléments conjugués m'offre une traversée du massif d'Ecouves assez tranquille, que j'enchaine allègrement avec les collines-racines de la contrée de Carrouges. J'ai gagné du temps, une vingtaine de minutes, tout va bien, mise à part que la chaîne ne tient plus sur la 17, ça saute et de plus en plus... Je me décide à m'arrêter pour regarder cela de plus près : "oh bordel..." Un maillon est en train de se faire la malle, ne tient plus qu'à un fil, légèrement tordu... Vite, j'appelle mon père qui doit déjà être à Bagnoles de l'Orne... Ben non, il n'est pas encore parti de son domicile... Du coup, je braille comme un tordu et énervé, je remonte sur le Zèbre car je refuse de rester là à attendre, planté comme un con, pour rejoindre la Cité thermale où nous allons pouvoir réparer. 15 bornes à fulminer mais aussi à pédaler sur des oeufs car du côté de la transmission, rien ne s'arrange et je finis sur une seule denture, jouant avec mon dérailleur avant. Une opération chirurgicale visant à l'ablation de deux maillons plus loin, j'ai perdu tout mon avantage mais je reste dans les clous. Je me dirige vers le Mortainais et ses rudes pentes...

En cette fin d'après-midi, j'ai l'impression de grimper vers l'azur, au bout de ces raidars qui s'accumulent comme on enfile des perles. Je gère mon énergie sans la dilapider tout en me relâchant, l'épisode chaîne m'ayant mis les nerfs en pelote. Je teste l'effet que peut avoir un MP3 sur un BRMiste en fin de journée : c'est positif, un sentiment d'évasion qui ne contrecarre en rien la concentration nécessaire pour effacer les tobbogans proposés par la route, expérience à renouveler sur PBP. Au vu du dénivelé à enquiller, l'allure baisse bien sûr mais pas dans des proportions alarmantes, bref tout va pour le mieux sauf que... Sauf que une douleur me cisaille le tendon d'achille droit, à chaque coup de pédale... 50 bornes plus loin, celui de gauche entame la même sérénade navrante : ça fait un mal de chien ! Me revient en mémoire qu'à la fin du 400, j'ai eu les mêmes douleurs. Je me rappelle m'en être plaint auprès de mon entourage mais ceux-ci, tout à la joie de ma réussite, n'avaient rien relevé... Et j'ai suivi le mouvement : une fois le pied posé à terre, je n'ai plus repensé à cela... Maintenant, j'ai l'air de quoi, à 350 bornes du but, avec cette impression que l'on me taillade les chevilles à chaque coup de pédale... T'as plus qu'à serrer les dents, mon p'tit bonhomme, en espérant ne pas faire de la charpie tendineuse...

Au bilan, que dire de ce 600 ? Qu'il n'y a pas de hasard sur la longue distance :

-les carences et les lacunes ressortent, sans que l'on puisse y remédier mais il est possible de les gérer sans être poussé à l'abandon par panique.

-les petites blessures font les grandes césures. A ne pas écouter les plaintes de son corps, l'on se place sous l'oeil torve de la sorcière aux dents vertes, naviguant au-dessus du spectre de la voiture-balai. J'ai eu chaud, très chaud avec mon mal-tendon : à l'inspection, au bout des 600 kms, chacun d'eux avait, greffer le long de leur paroi, deux nodules de la grosseur d'un petit oeuf de pâques...











Mai : BRM 400 Mortagne au perche (3ème qualif' PBP 2011)

"Et de trois..." : J'en suis maintenant à mon huitième BRM sur deux ans et je continue à faire des conneries (j'emploie ce terme à dessein), grosses comme moi, qui plus est. Je tiens à rajouter qu'elles sont à chaque fois originales, pour éviter illico de passer pour un abruti...



Rappelons donc que ces qualif' sont aussi l'occasion de répéter en grandeur nature l'insensé de PBP, d'où, par exemple, le calquage imposé du kilométrage séparant chaque contrôle : autonomie jusqu'au 140è kilomètre (clin d'oeil à Julien et arrêt de Mortagne), puis rendez-vous donné aux accompagnateurs au 220è (Villaines la Juhel), 310è (Fougères) et ainsi de suite...



Cour Cheverny, 1h15 du matin, 232è kilomètre, j'ai une heure 35 minutes d'avance sur mon plan de route, pause de 20 minutes prévue et accordée. Je m'assoie par terre, dehors, la température restant très douce pour cette heure tardive. Tout en discutant avec mes parents, j'avale mes 4 chocos Prince envisagés, boit un coup et remonte sur mon zèbre, la fleur au fusil. Car je n'arrête pas d'enfiler les perles d'avantage sur mon roadbook (calculé sur 22,5 km/h) et je compte bien continuer à tricoter des gambettes... Faut dire qu'après un début corsé, le parcours déroule un fil aplani qui permet la vive allure (26,5 km/h de moyenne). Tiens, le contournement, long, de Blois, sur les boulevards extérieurs à deux voies, me gave... Les collègues de l'UC Percheronne, qui me tiennent lieu de sparring partners cette fois-ci, en lieu et place de ceux du CTA, invisibles à l'arrière, se retrouvent devant moi grâce à une traversée plus ingénieuse, ça me fait ch... Insidieusement, de l'huile s'échappe des rouages, ça se grippe petit à petit, comme un vague à l'âme, oppressant dans sa douceur opiniâtre. Je décline, mais ne comprends pas aussitôt pourquoi... Finie la vive allure, voici venu le temps de la gestion, pingre, au compte-goutte, de mes forces, qu'il faut distiller en rationnant les portions. C'est devenu un réflexe, ce plan-alerte, se recrocqueviller dans cette bulle aux sensations cotonneuses : je descends sur le 36, je m'applique à pédaler économiquement, jambes serrées, et ne penser qu'à rejoindre le prochain port d'attache. Je surveille, sur mon GPS, l'évolution de la moyenne de l'étape en cours, pour voir si je reste au-dessus de la ligne de flottaison, fixée à 22,5 km/h. D'autant que l'on aborde une portion de circuit effectuée vent debout. Pour moi, c'est certain, cette crise est dûe à la fatigue accumulée, ce qui est normal après 280 kms. C'est dans cet état d'esprit que je rentre dans le chenal de Montoire sur le Loir, à 5h20, soit 3h45min après ma pause "4 chocos prince". Avec mon Pé, l'on s'affaire prestement autour du Zèbre, changement de GPS, changement de roues pour un retour au carbone que je refuse de voir blessé par un nid de poule invisible de nuit... Ce coup-ci, je rentre dans l'auto pour me sustenter. Un p'tit dej' à la sauce PBP m'est proposé au menu normalement mais vlà t'y pas que ma madre me propose un douiche. Tout de go, un "y en a encore ?" est lâché... J'ai faim, la vache ! Comment se fait-il que cela ne m'ait pas effleuré auparavant : j'étais un peu meurtri de voir mes forces s'évanouir, désolé de devoir rentrer dans la grande gestion, soldat obéissant, sans en comprendre les tenants. C'était donc seulement ça, j'ai faim ! D'où une légère hypoglycémie ou fringale, d'où la fuite d'énérgie...



Dans mon canevas d'arrêts, ceux réservés aux contrôle de PBP devront s'accompagner d'une pitance suffisament roborative : des douiches, des cakes salés, du fuel quoi !!! Sur la route du Grand Défi, j'aurai à disposition, par la grâce de la générosité de mes parents, un camping car d'où il sera facile de me proposer un couvert digne de cette expérience. Pour le moment, l'important était que cela s'ancre dans les esprits, en particulier dans le mien. A mettre en oeuvre urgemment sur le 600. Sur celui de l'année dernière, j'ai vécu un épisode cruel où je ne pouvais rien avaler : résultat, une déchéance physique et morale, un drôle d'abîme d'où il fut dur d'émerger... Sur ce genre d'aventure, il faut absolument croûter pour se caler. Après, l'on peut tout affronter...
Le jour s'est levé, pas d'étrange idée mais la route se fait rebelle et se contorsionne... On monte de les tours de dénivelée, dont les courbes de température s'évertuent à tutoyer les sommets. Encore un petit peu de gestion, se lever le c... et faire roue-libre dans les descentes, monter en danseuse et se rasseoir en enlevant une dent dès que l'alarme du cardio sonne (130 puls.), je finis à Mortagne à 11h15, soit 20h15 après en être parti. Sur ma bécane, j'ai gratté 1h 39 sur le roadbook, réalisant 24,10 km/h de moyenne sur les 403 kms, tout seul comme un grand, je le rappelle, sans un relai de la part de mes congénères, conformément à ma philosophie première... Sur Paris Brest Paris, je changerai mon fusil d'épaule et filocherai les roues dès que possible. Mon expérience de 2007, dans le petit matin pluvieux, sur les routes de la Mayenne, m'a montré que ce n'est pas chose aisée, que les "autres" n'ont de collègues que le nom, qu'ils peuvent mordre, que l'entretraide n'existe pas sur le ruban noir : j'ai donc passé deux ans à tester la solitude sur celui-ci, à éprouver ma solidité... Maintenant, j'en ai toutes les preuves... Reste à passer devant le jury du 600, les 11 et 12 juin prochains, avec une dénivelée conforme à l'esprit de PBP, soit 5 500 m annoncés...







Avril : BRM 300 Mortagne au perche (2ème qualif' PBP 2011)


"Et de deux..." Ma préparation pour PBP peut apparaitre comme construite de bric et de broc, toute hétérogène, voire hétéroclite... Elle est en tout cas conduite de prime abord à défaut : pour contrer un trait psychologique prégnant chez moi, la saturation engendrée par la pratique assidue du vélo de route. Si physiquement, je peux à loisir enchainer des séances, le résultat sera vite affiché : une envie de grimper là-dessus complètement en berne, toutes les excuses possibles et imaginables seront vite trouvées pour zapper... A quoi est-ce dû ? Sûrement à l'âge avancé de mon accointance avec ce sport : 28 ans en 2011, c'est un long bail alors le quotidien des entrainements sur des routes archi-connues est un plat plus qu'indigeste puisque le plaisir s'y fait absent. Cela fait maintenant quelques temps que j'ai décidé de balancer dans la haie toutes les activités qui ne me procurent aucune félicité, c'est devenu une règle de vie alors la prépa de Paris Brest paris ne pouvait y déroger, mieux elle devait s'y inscrire, s'englober dans cet ensemble... Comme sur mon vélo, je me faisais l'effet d'un vieux diesel calaminé, j'ai opté, dans le but de retrouver une forme physique acceptable, pour des activités qui allaient me secouer et me faire cracher : la course à pied et le VTT de cross country (dit XC). Que j'ai entouré de pratiques plus ludiques (VTT enduro, descente, freeride, marche nordique) : avec comme première optique l'esquive de la saturation grâce à la diversification... Tout en veillant aussi à imaginer des sorties cool avec les premières, faire naitre du plaisir étant un acte de préservation car l'aiguille dans le rouge en permanence m'amène à la détestation. Bref, faire du vélo parce qu'il faut faire du vélo pour réussir à rallier la Rade et repartir sur ses propres traces, très peu pour moi parce qu'impossible.
Avril, jamais je n'ai couru aussi vite, jamais je n'ai eu une telle foulée, celle que je veux, utilisant l'intégralité de la plante de mes pieds, ayant pris conscience de leur existence et de leur utilité. Tout comme j'ai découvert que j'étais supinateur... Je partage ce défaut avec à peine 10% des coureurs à pied, défaut de placement de la voûte plantaire qui a son contact avec le sol le plus marqué sur le côté externe (voir l'illustration pour le pied droit). Ce qui a la longue peut engendrer tension, léger traumatisme
puis blessure, notamment du tendon d'achille, qui doit supporter des forces anormales par un travail en légère torsion. Bref, ce qui doit arriver... A une semaine du BRM, à la suite d'une course en sous-bois une nouvelle fois synonyme de record personnel, je me retrouve à boiter bas, côté interne de la cheville gauche enflammé, entre la maléole et le tendon. Merde... Tout en essayant de prendre du recul par rapport à cette péripétie, je laisse tout au repos jusqu'au samedi 23 avril, où je me retrouve une nouvelle fois sur la place de Mortagne au perche, à 3h du matin pour enquiller 300 bornes...




Ce printemps s'enfle, se prend pour un autre, si bien que le thermomètre flirte avec les 15° en pleine nuit. C'est donc une tièdeur bienfaitrice qui nous enveloppe vers Moulins la marche, sur une route aux accents de toboggan. Tiens, le départ est beaucoup moins rapide qu'au 200, j'ai largement le temps de discuter avec Julien sur le thème de la pré-inscription à PBP, que j'ai failli zapper. Bon, le rythme est adapté au mien : lorsque que le cardio sonne, je me rasseois mais ce n'est pas pour autant que je me fais larguer. La distance agit sur les consciences, ça freine mes congénères. Au bout de 20 bornes, leur compagnie commence à me lasser, je ne peux me rendre compte de l'efficacité de mon éclairage, d'autant que des véhicules accompagnateurs nous tannent le train et nous arrosent d'une lumière crue : ras le bol de ce bordel, je mets la flèche à droite pour satisfaire un besoin naturel. La caravane passe, les babillages des piafs est un environnement sonore que je préfère. M'apercevoir que j'y vois, et plutôt bien est la première satisfaction de ce brevet. L'éclairage correct est un vrai casse-tête, j'ai toujours en mémoire celui de Matt Taping, mon collègue amical du 1000 de cet été, semblable à celui d'une voiture. je suis persuadé que d'être tranquillisé par une bonne perception des choses est un élément majeur de réussite. Sur le 400 de l'an dernier, j'ai failli abandonner, non seulement parce que j'étais trempé comme une soupe mais aussi parce que je n'y voyais rien, par la faute de lampes faiblardes. Quand il faut équarquiller les yeux, prêter une attention sur-soutenue pour éviter la chute, c'est un gros facteur de fatigue, très pertubateur, qui peut gripper la machine, déjà fragile. Là, j'y vois... Grâce à ma frontale et à son double effet fixé sur la douille de direction, la berne et les haies sont bien visibles. Près de ma potence, j'ai disposé deux loupiotes en clignotis permanents. Du coup, là où je devais baisser les yeux derrière la visère de ma casquette, ce sont les véhicules d'en face qui la mettent en veilleuse, cessant de m'éblouir avec les plein-phares dangereux. YES !
J'ai rendez-vous avec Lilou au bord de la mer, près d'Honfleur, conformément au canevas de PBP, au 140è kilomètre. D'ici là, je dois remonter vers la Manche, par delà le Pays d'Auge et le Calvados. J'aime ces contrées, le colombage me laisse rêveur mais j'ai pourtant encore en mémoire cette remontée glaciale d'il y a 4 ans, avec un 0° en guise de compagnon prégnant. Eh ben là, rebelote : fringué pour supporter 10° minimum, c'est un petit, très petit 5° qui nous enserre, le groupe des cyclos d'alençon et moi-même, une nouvelle fois synchrones (nous allons nous rattrapper mutuellement toute la journée, au gré de nos propres arrêts). Ca caille Mimile, j'ai les "dès gueroués", merde comment prévoir une telle amplitude en 50 kilomètres, -10° quand même... Une paire de gants supplémentaire glissée, lors des sessions de nuit, dans le petit sac à dos qui m'accompagne dans mon autonomie sera l'innovation de ce brevet. A Lisieux, je boulotte un croissant en claquant des dents, toujours 5° à 7h40'. Puis le Mahomet se pointe, réchauffant et s'infiltrant en bienfaiteur. Je file, retrouvant des sensations, bouclant ces 140 premiers kilomètres à 24.80 km/h, ce qui me donne 35 minutes d'avance sur mon plan de route. Très bien, j'aime quand l'aiguille est de ce côté du compte...



Un douiche, une mousse et un paquet de chips plus tard, je me lance dans les petites routes vers Pont-Audemer, guidé par mon GpS, pour éviter au maximum ce capharnaüm d'il ya 4 ans, où nous étions doublés à vive allure par une multitude d'automobilistes rageurs de nous voir occuper "leur" route nationale. C'était dangereux, obsédant, fatiguant... Alors, je filoche sur la rive gauche de la Risle, oh ben doucement, les sensations en berne j'utilise mon 36. Ce coup-ci, ça repart moyennement, l'allure baisse un peu, restant au-dessus des 24 km/h quand même... A l'arrêt des 230 bornes (correspondant au contrôle de Villaines la juhel, eh oui...), je me fous à l'ombre, récupérant sagement, câliné par ma femme (ça, c'est irremplaçable et galvanisant)croûtant tout ce que je peux. Sur les grandes distances, je suis un aspirateur à bouffe, ici jusqu'aux MNM's qui auront une fâcheuse tendance à vouloir ressortir quelques kms plus loin (il y a donc des limites à ingurgiter n'importe quoi). Faut dire aussi que je suis remonté sur mon bike tendu comme un arc, ça "rouette" un max, à près de 28 km/h, le vent dans le c... En 67 bornes, je gratte 50 minutes sur mon plan de route, finissant à Mortagne avec 1h05' d'avantage sur les 15h10 prévues. Si j'affine un peu plus les comptes, 13h30 de selle avaient été envisagées (sur la base de 22,5 km/h), j'ai réalisé 11h56 sur le terrain soit un bénéfice de 1h34. Il y a donc 30 minutes de gain qui ont été perdues, à travers les arrêts pipi (nombreux pour moi) et ceux réservés au pointage de la carte dans les commerces. Denrée précieuse sur PBP, le temps a aussi tendance à filer entre les doigts, sans que l'on s'en rendre bien compte...











Mars : BRM 200 Mortagne au Perche (1ère qualif' PBP 2011)
"Et d'une..." Que n'ai-je entendu cette ritournelle dans les semaines précédant ce Brevet des Randonneurs Mondiaux de 200 bornes, première étape qui en comporte quatre, d'une qualification pour Paris Brest Paris : "Ben, t'as réussi 1000 kms, 200 c'est de la rigolade pour toi, non ?" A chaque fois, j'ai souri et répondu par la négative. Non, bien sûr que non, ça n'a rien d'une promenade et le considérer comme tel, c'est aller droit dans le mur, à l'échec. D'abord, il y a le respect du à la distance, que je considère comme une montagne. Moi qui suis fan absolu des sommets, je ne me suis toujours considéré sur leurs flancs que comme un invité, conscient de ma chance de les parcourir sereinement en vélo ou à pied et non pas en les foulant en dépit du bon sens, comme un acquis gagné à leur fréquentation multiple. Non, profil bas, prévoir, étudier, se servir de l'expérience pour anticiper... Alors, de même pour ce BRM, même état d'esprit, même contrôle des choses, surtout ne pas prendre cette étape par dessus la jambe car il ne peut manquer aucun chaînon. Ensuite, il faut gérer l'état de la journée, qui peut être faste comme totalement opaque, un jour de gris sans sensations. Et pourtant, il faudra avancer : là réside le secret de Paris Brest Paris, la gestion des bas car quoi de plus facile que pédaler quand la machine roule, avec force et puissance. De ce fait, j'ai axé mon entrainement sur le travail en dette de sommeil pour connaitre par coeur ces sensations de lourdeur au lever, cet engourdissement qui fait que l'on se traine, les apprivoiser et les faire miennes pour mieux les gérer. D'abord, pour ne plus en avoir peur... Car, même fatigué, l'on avance ! Retrouver les reflexes de la préparation "administrative" des brevets, à savoir archiver le parcours dans mes GPS de sport et élaborer un plan de route avec horaires de passage, est chose assez aisée. Je me présente donc à 6h du mat à Mortagne au Perche fin prêt pour affronter les 200 kilomètres proposés. La météo n'est pas au beau fixe, il pleuviote avec un 8°, il fait nuit... Je retrouve des visages connus de 2007 qui tous me disent : "Tiens, tu remets ça ??" "Ouais, les gars, j'ai même fait tous les brevets l'année dernière, jusqu'au mille..." La plupart me jette un regard interdit, comme si avoir répété l'an passé ne les avait pas effleuré... Les acolytes des qualifications d'il y a quatre ans sont tous présents et ont l'air d'avoir le même instinct grégaire, du moins le pensais-je, pour se placer sous la houlette de Daniel, grand organisateur de groupe performant à l'allure rapide. J'échange trois mots avec Julien, qui me glisse que mes considérations sur ce blog le font marrer, et c'est parti pour 9h15 de vélo, comme l'indique mon plan de route, plus 1h10 d'arrêts disséminés le long du parcours. ______________________________________________________________7h, les fauves sont lâchés et quels fauves ! Dans ma tête, il est bien clair que je ne vais m'occuper de personne, le départ mou très peu pour moi, alors je pédale vivement et me retrouve seul à l'avant, oh quelques minutes, puis trois gars me dépassent, je dois bien rouler à un bon 30 km/h, puis deux, puis dix, puis tout le monde... Ouh là, il y a de la nervosité dans l'air, les lucioles rouges s'éloignent... Bon, peu importe, l'important c'est de gérer, et à ta sauce mon garçon. Et là, il y a un petit problème : je n'ai pas chaussé ma frontale, je ne vois pas mon compteur et mon GPS et je navigue donc aux sensations. Mais si je ne peux les apercevoir, je les entends : le signal de confirmation du passage aux points enregistrés du GPS, l'alarme de mon cardiofréquencemètre... Les premières côtes se profilent, j'ai fixé un plafond à 130 pulsations et vu que les bosses ont un pourcentage accentué, il est vite atteint... Je regarde devant moi, plus loin cela doit taper dans le 160, voire le 170... Je rattrappe assez vite quelques énervés dont la conscience s'est réveillée, les lâchent... Mon Tchak-Tachk est en place, je file sous les averses, parfois bien armées. Ah, ça y est je peux tout contôler dorénavant sur les cadrans, un coup d'oeil sur la moyenne et... bingo, 27,7 km/h, qu'est-ce que cela doit être un ou deux kilomètres en avant ?_____________________________________________________________ Comme l'an passé, j'ai décidé de tronçonner le parcours en étapes et de faire correspondre celle-ci aux distances séparant les différents contrôles de PBP. Le premier n'apparaissant qu'au bout de 140 kms (Mortagne...), j'ai demandé à mon assistance (Lilou en particulier) de n'intervenir qu'à partir de ce moment-là. J'ai donc 140 pitons à effectuer en autonomie en guise de premier tronçon. A l'exemple de l'expérimenté Zapilon, je découpe ces tranches en quartiers de 40 à 45 kms, histoire de m'arrêter et me poser quelques minutes. Et dans ma tête n'émerge que cette distance partielle, jamais le cumulé total : d'abord rejoindre ce fragment (et l'idée d'y boulotter un croissant est un vrai moteur...), l'additionner et ne penser au tout que beaucoup plus tard... ______________________________________________________________45 kms, première escale (si je passe sous silence mes pauses obligatoires pour besoin pressant, qui, en début de brevet, se succèdent au rythme d'une tous les dix kilomètres. Et ça me bouffe une minute à chaque fois, cette incontinence...). 5 minutes pour jarter mon gilet fluo de chez Sarkoland, me défaire d'une épaisseur de gants, croquer dans une barre et...pisser, le groupe des cyclos d'alençon me retrouve, certains me connaissent et me demandent ce qu'il m'arrive. "Ben rien, je fais ça tout seul maintenant, je me suis juste arrêté..." J'ai encore à endosser l'image que j'ai renvoyé en 2007 en étant membre de cette caravane aux girophares, sillonnant les routes à 30 km/h, image plutôt mal vécue par les autres cyclos... Dans ce groupe, il y a la présence remarquable de "Monsieur Broust"(je ne le connais que sous ce vocable), qui pédale sur une jambe, mais littéralement, une seule le tracte... La vache ! je devise un petit peu avec eux puis reprends mon Tachk Takch seul, devant. La moyenne est au-dessus de mes prévisions, je navigue avec un quart d'heure d'avance, je roule à l'aise, 50x21, avec un temps se dégageant, à la brise légère. Nous voici dans le Loir et Cher et la chanson de Michel Delpech me vient à l'esprit : "Ma famille habite dans le Loir et Cher..." Me vlà chantant, heureux d'être là... Les p'tites dames des commerces où je vais quémander un coup de tampon me signalent à chaque fois mon retard et le nombre conséquent de mes congénères... Je souris et décode que certains groupes ont dû rentrer en véritable troupeau de boeufs et envahir leurs échoppes. Au bas du circuit, à la remontée, je me chope un p'tit vent pleine face qui me fait abandonner la plaque pour mon 36. Le rythme se ralentit d'autant que je traverse un bout de Beauce, morne, sans abri contre Eole... Je rejoins Lilou pour ma pause de 45 mn du 140ème où m'attendent sandwiches, bière & chips, amoureusement préparés. Thanks... J'ai 10 mn d'avance et un trait de fatigue envahissant. Assis dans la bagnole, je reçois des nouvelles fraiches données par mon Président sur nos troupes : le groupe de Daniel se trouve à environ 1h15 de route en avant et se fait doucher copieusement. Ah... Bon, ici c'est soleil et un bon 17°, ça va moins rigoler... Au bout du temps imparti, je remonte sur ma bicyclette... et le miracle s'opère une nouvelle fois : pas de lourdeur, socquette légère, exit la fatigue : je repars à neuf ! Le Perche est annoncé, la route est mouillée, je file et dans ce terrain mouvementé je gratte 20 minutes pour finir à Mortagne avec une demi-heure d'avance sur mon plan de route. Sans une goutte, les gars... ______________________________________________________________Au bilan, je dois avouer que j'ai retrouvé avec plaisir cet opium qu'est cet insensé d'effacer une distance, d'en apprivoiser les dérives, de s'y sentir à l'aise pour finalement réussir à dominer l'ensemble. Car c'est un ensemble, un tout que cette aventure : une association, des collaborations, des soutiens, du lien... Seul, je ne suis rien : ce qui me plait, c'est la fédération...

Une petite vidéo dans les bosses, après Longny au perche. Filmed by Lilou (Love)













Février : Raid XC de 50 kms (petit tour de la forêt de Pail)
"Comme sur des roulettes..."



Dimanche 27 février, derechef, je grimpe en bagnole avec le CUBE au cul, en route pour la Mayenne et Gesvres (mon ancien domicile) pour prendre le départ de ce que j'ai appelé cette année "un raid XC", au regard des difficultés connues qui m'attendaient... De l'an passé, ces 50 bornes m'ont laissé un souvenir cuisant, des sensations de dureté, un capital physique cramé, un pédalage automatique, forcé... Aujourd'hui, je ne veux rien de tout cela. Un rendez-vous mensuel où je finirai complètement azimuté et sans contrôle sur ma fatigue sera un rencard raté. Parce que je considère que 2010 fut une année de fondations, celle où il fallut creuser et aller au fond pour apprendre à gérer les instants où tout s'écroule, où le navire sombre. 2011 doit être l'année du cran au-dessus, de la maîtrise des évènements. Une année pour apprendre, une année à appliquer... Des recettes, sans prétendre à l'originalité, sans improvisations, il est trop tard pour ça. Le BRM 1000 a validé toutes mes solutions, dans le sens où j'en suis rentré sans blessures ni traumatismes, sans éclats dans ma chair et dans mon esprit, j'étais un tout... Il n'y a pas de finalité dans l'autodestruction, il n'y a de sens que dans l'emprise...



Je me lance donc dans l'aventure avec l'envie de péter le record de l'an passé, comptant sur l'efficacité du CUBE et sur le remplacement d'une partie de 2 bornes d'un chemin défoncé par la même distance sur le ruban goudronné de la corniche de Pail, plus adapté à ma pratique XC. Cette année, j'ai l'estomac plein et l'oeil rivé sur le cardio pour me freiner dès que les 130 pulsations sont atteintes, histoire de gérer au mieux cette distance et ses 800 m de dénivelée. Bon dieu, l'eau des jours derniers pèse sur les sentiers, gonflés comme des outres. Ca asperge de tous côtés et mon VTT est vite fait recouvert d'une carapace boueuse et j'en prends plein la g... pour pas un rond. Mais ça pédale, assez aisément, les difficultés avalées dans le bon rythme. Le mélange de sous-bois, chemins creux et petites routes est vraiment de tout premier ordre et je souris comme un béat, au risque de me faire moucheter les dents. A un croisement, je rencontre une vieille toutoune qui remue la queue, je l'évite conscienceusement tout en m'en méfiant, je rentre dans une sente pleine de flotte, la concentration en berne et je me chope une épine, du coup de cheval vu le calibre, dans le pneu avant qui soupire dans un pschitt de mauvais aloi. Bon, réparons donc, les mains dans la merde, voire la vase. Beurk, ça schlingue... Je sors ma chambre à air de secours, tiens, à valve schrader, grosse valve quoi. Ouh là, un mauvais pressentiment me gagne : ça rentre, ça, dans le trou de la jante. Bingo, non !!! Le CUBE a des p'tits trous, aie aie aie... Pas démobilisé, je sors avec mes mains sales ma p'tite boite à réparation, rustines, grattoir et ... hein, la colle, y a pas de colle. Oh non, bougre d'idiot, j'ai du l'utiliser et la foutre dans un coin...Me vlà coincé au bout du circuit, au bout du monde, le pneu dans une pogne et deux chambres inutilisables dans l'autre. Comme un con, c'est peu de le dire. J'essaie de me rappeler les astuces délivrées par "Bike Magazine" dans ce cas-là, j'crois qu'il faut faire un noeud pour bannir le trou et refoutre tout ça dans le pneu et remonter en gonflant peu, histoire de rentrer tranquillou... P..., c'était pas mes plans, ça non, le rencard est planté, par ma faute. Je me foutrais des baffes... Puis, d'un coup, éclair de génie, et la deuxième chambre (car j'en ai deux, bien entendu), quelle valve elle a finalement, même si je suis persuadé que c'est une schrader aussi... ben non, non, c'est une presta, une valve fine, qu'est ce qu'elle fout là, je ne sais pas et je m'en fous, pour un peu je l'embrasserais. Non, quand même... Vite, remettre tout ça là-dedans et repartir... Du rythme, du rythme, du rythme... D'autant que j'attaque la partie la plus difficile du circuit, par delà la moitié, avec un profil escarpé. 130, mon gars, 130, relève-toi, du cerveau, de la réflexion, sois maitre et influe... Grimper dans le boueux n'est pas chose aisée mais je ne m'en sors pas trop mal pour atterrir plutôt frais sur la corniche de Pail. Là, intervient ma stratégie de remplacement de chemin par une portion routière de même distance. Evidemment, ce n'est pas la même limonade, je fonce au lieu de buter mais cela rentre entièrement dans le contrat de ce raid. Le retour par la voie romaine est parfait, rapide. Je boucle ce petit tour de la forêt de pail en 3h17, soit 25 minutes de moins que l'an passé... Eh ouais, la preuve par les chiffres de la qualité de ce vélo, 25 minutes un gouffre... Tout crotté mais fier, je valide le deuxième mois de ma prépa. Hardi !!










Janvier : TRAIL DE 20 KMS (forêt de Sillé le Guillaume

"Me prendre pour Kilian Jornet..." Dimanche 30 janvier, je monte dans la "Fabienne" (c'est juste le surnom de ma voiture, une Skoda Fabia... Je ne peux pas me refaire), direction la forêt de Sillé, sapé comme un milord, enfin je trouve, dans ma belle tenue de Run ou plutôt ici de Trail. Car c'est pour une virée de 20 bornes que je m'engage ici, propulsé par la seule action de mes cannes, sans déploiement de forces mécaniques aidantes. Dans ma Fabienne, même si j'aime bien mon look, vous l'aurez compris, je ne crâne pas : j'ai dit à Lilou, en partant, que c'était certainement mon rendez-vous mensuel le plus dangereux de l'année, sur le plan des risques de pépins physiques, . En effet, toutes mes craintes de l'an passé restent d'actualité, mes jambes acceptant mal ces répétitions de chocs des foulées. Même si, depuis un an, j'ai bien progressé techniquement et aguerri mon corps lors de multiples courses dans les bois. Mais là, c'est long, c'est dur, c'est l'inconnu... Dans mes séances habituelles, je ne cours que 8,5 kms maximum. Là, c'est un gouffre à côté mais je me lance là-dedans pour continuer de rester fidèle au principe de l'an dernier : me jeter dans des défis sans rien répéter à ce niveau-là pour accepter psychologiquement le grand défi qu'est PBP, sans crainte mais avec goût. 1200 bornes de vélo, ce n'est pas tous les jours que cela se pratique, seulement une fois dans sa vie : il est hors de question de tout foirer par stress, trouille et chiasse !!! mais de goûter chaque seconde de cette aventure, qui seront toutes ultimes... Il caille, -2° au compteur, je me suis fringué en conséquence en veillant en ne pas trop charger, de façon à ne pas être trop "engoncé". Et c'est parti pour le show, sur de petites sentes que je connais bien puisque je les pratique avec mon Zesty les beaux jours venus. Là, c'est plus triste et mouillé, les ruisseaux sont gonflés mais franchissables grâce aux caillasses disposées par les usagers de la forêt. Je cours vite et bien, conformément à cet autre principe acquis en 2010 : s'élancer rapidement, sans perte de temps. De toute façon, à partir d'un certain moment, la machine va se gripper et ce sera le temps de la gestion de la longue distance et ses sensations engourdies. Alors autant ne pas lambiner, à préserver ce qui forcémént va se déliter...



Je cours et je pense, pour ce faire, à Kilian Jornet. Cela fait un mois que je parcours, la bouche grande ouverte, les vidéos consacrées à l'année 2010 de ce petit gars, 22 ans de Espana. Ce môme-là (eh, je peux, il me rend 22 ans) est LE champion du Trail, vainqueur de l'UTMB (Ultra-Trail Mont Blanc : 166 kms et 10 000 m de dénivelé) -notez que ce genre de distance est normalement destiné à des pratiques cyclistes chevronnées et que par ce côté, il ya ressemblance avec PBP, dans la démesure- recordman de la traversée de la Corse par le GR 20 (près de 200 kms, 14500 m de dénivelé en 33h !!!) : regardez les deux vidéos retraçant ce périple grâce aux deux liens suivants : http://www.dailymotion.com/video/xe4o3x_attitudes-200-killian-quest-part1_sportpart1_sport

Vous allez être charmé par la beauté des paysages et la philosophie de Kilian, qui porte un regard exceptionnel sur les choses et la nature, sur le sens de ce qu'il projète et réalise... Je cours et je pense donc à Kilian Jornet, à sa façon de se mouvoir, et j'essaie de répéter ses gestes, ceux qui se sont imprimés sur la plaque noire de mon inconscient. J'ai toujours fait ainsi, dans les années 80, je copiais la position des mains de Jeff Bernard lorsqu'il était en danseuse, je passais des heures à mirer les photos des pros dans le "Miroir du cyclisme", pour reproduire leur style. Encore aujourd'hui, sur ma bécane, je cherche à dupliquer ce coup de pédale "jambes serrées" des frères Schleck... Alors, sur ces singles tracks piégeux avec leur racines planquées sous les feuilles, je m'applique à poser correctement le pied, l'avant, et à respecter ma plage de pulsations que j'ai choisie (130-147), pour aller au bout de cette petite aventure. La première heure se passe nickel, je m'alimente régulièrement en malto+hydrixir, je n'ai pas de douleurs précises. Je fais une pause-pipi toutes les demi-heures, et lorsque je repars au bout de la deuxième, ma course se fait tout d'un coup moins légère. Je comprends que je dois vite fait rentrer dans ma bulle-gestion : redoubler de vigilance pour éviter une grosse tralle et les faux mouvements, essayer d'amortir au maximum la foulée, étendre la fatigue sur le fil qui me relie à l'arrivée. Finalement, je boucle l'affaire en 2h02mn pour 19 bornes de trail, soit 9,25 km/h (à titre de comparaison, l'an passé j'avais couru à 8,77 km/h sur 13 kms). Au fond de moi, je pensais passer le mur des 10 km/h mais la prudence et mon inexpérience sur ce type d'effort en ont décidé autrement, le principal étant d'éviter la vilaine blessure compromettante. Ce truc-là me plait énormément, une fois PBP terminé, je vais me lancer plus précisément dans cette pratique du trail...Deux jours après celui-ci, j'ai parfaitement récupéré de mes courbatures, je suis frais et prêt à attaquer le mois de février qui se profile...